Célébration de la « Journée du migrant » : Entre acquis et défis des temps futurs

Par Farida Moha

C’est aujourd’hui mercredi 10 août 2022, que le Conseil de la communauté marocaine de l’étranger (CCME),  présidé par Driss El Yazami, célébre  la Journée nationale du migrant en hommage aux plus de 5 millions de compétences expatriées à travers le monde. « La Journée nationale du migrant » prend un relief particulier au Maroc, elle illustre l’intérêt que le Roi Mohammed VI exprime à la communauté des MRE et la chaleur que lui témoigne le peuple.

Plusieurs activités et rencontres ont été programmées avec au centre des préoccupations la question lancinante de la représentativité du migrant dans les pays d’accueil ; mais surtout dans le pays d’origine à savoir le Maroc. Pour le moment et comme l’a précisé Driss Yazami , président de CCME, «la Constitution marocaine donne la possibilité de participer à des élections, mais à partir du Maroc. Il y a également la possibilité de siéger dans les institutions de bonne gouvernance, telles que le Conseil national des droits de l’homme et le CCME et demain peut-être au sein du Conseil de la famille».

D’autres activités ont  lieu en cette journée  avec pour objectif de renforcer les liens et d’explorer les perspectives d’avenir.  Parmi nombre d’initiatives Driss Yazami a évoqué « la création d’une Agence marocaine d’actions culturelles à l’étranger qui visera les Marocains du monde, les touristes et les investisseurs. On sait que la culture est le meilleur vecteur pour faire connaître un pays ». La culture marocaine est en effet un véritable  atout  qu’il faut faire valoir, faire résonner et rayonner. La promotion du patrimoine matériel et immatériel la promotion des métiers d’art, de l’art de vivre, de la gastronomie,  de l’artisanat. Elle contribue à renforcer non seulement la  politique du soft power mais aussi le lien avec la communauté des immigrés.

Faire connaitre le pays et maintenir le lien, un lien très fort comme en témoigne le rush unique au monde qui lance en cette période estivale des millions de Marocains à travers les routes d’Europe  vers leur pays. Ni la chaleur, ni la fatigue, ni les multiples incidents de traversées ne les  dissuadent de cette aventure de retour. Comment expliquer ce lien et ce sentiment très fort d’appartenance à notre terre ?

En France, aux Pays-Bas, en Allemagne ou en Belgique, les familles d’émigrés de première ou deuxième ou troisième générations vivent   « le Maroc à la maison » où une  forte transmission culturelle est assurée par les parents , le mode de vie , la langue , jusqu’aux modes culinaires qui marquent l’attachement au pays d’origine (thé, couscous, tajine ),ou le suivi des chaines de télévisions nationales. De nouvelles formes de lien social, notamment à travers les transferts de fonds aux familles et à travers  Internet sont venues  nourrir la diaspora marocaine, et ont permis  d’entretenir  grâce au développement des nouvelles technologies un rapport plus étroit avec le pays d’origine, avec les cousins et les amis vivant dans toutes les régions du Maroc.

→ Lire aussi : Journée nationale du migrant: Le CCME soutient les initiatives des Marocains du monde envers leurs régions

Les 3 âges de l’immigration

Pour expliquer ce lien sans doute faut il privilégier l’aspect savoir et connaissance sur l‘histoire et l’évolution de l’émigration et privilégier pour mieux comprendre les mutations actuelles, l’analyse sur le temps long. De cette histoire, quels premiers constats peut-on faire ? C’est le sociologue Abdel Malek Sayyed, directeur de recherche au CNRS et à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), assistant de Pierre Bourdieu spécialiste de l’émigration qui a raconté les 3 âges de l’émigration.

La première immigration est celle qui va chercher du travail  et qui correspond aux premiers flux migratoires massifs datant des années 1960 et qui ont concerné les pays de l’Europe du Nord avec lesquels le Maroc a signé les premiers accords bilatéraux de recrutement de main-d’œuvre : la France (1963), l’Allemagne (1963), la Belgique (1964), les Pays-Bas (1969). Cette émigration était composée d’hommes jeunes, sans qualification professionnelle, issus des couches rurales a contribué à la reconstruction d’après-guerre, puis à la période des Trente Glorieuses, notamment dans les mines, les aciéries, le BTP, l’industrie et l’agriculture émigration :

La seconde immigration est celle qui s’intègre  le plus possible  et pratiquent le regroupement familial. Entre 1975 et 1985 ce sont les regroupements familiaux. Ce processus a modifié la structure par sexe – en France on compte l’entrée de 147 938 femmes durant cette décennie. Cela a conduit à son rajeunissement et à sa féminisation, et a abouti ultérieurement à son enracinement et à son installation définitive.

La troisième immigration est celle qui recherche ses origines et qui vit pleinement la révolution des nouvelles technologies, ce  qui ne va pas  sans risque de dérive religieuse et identitaire. De nouvelles formes de lien social, notamment à travers Internet et Facebook permettent aux  jeunes d’entretenir les liens et de se rapprocher du Maroc. Ces nouvelles technologies sont cependant comme la langue d’Esope « la pire et la meilleure des choses »  car elles véhiculent parfois des visions du monde d’extrémistes qui prêchent la haine des pays d’accueil et qui renferment les jeunes dans un univers de violence et de violence.

Aujourd’hui la question de fond se pose : qu’est ce qui a changé par rapport aux périodes précédentes ? D’une migration familiale villageoise nous sommes passés  à une individualisation de la migration  qui nécessite pour une bonne gestion, des formes différentes de mobilisation culturelle  associative de l’espace public. Aujourd’hui, nous sommes entrés dans une nouvelle ère qui n’est qui n’est ponctuelle ni passagère et dont il faut prendre toute la mesure. L’une des grandes interrogations c’est le modèle d’intégration  du rapport des MRE à la France et à l’Europe, un modèle qui est souvent rejeté par des partis de droite de plus en plus influents qui prônent une assimilation totale ou le retour des migrants dans leur pays d’origine. Les législations se sont durcies, et les débats qui s’annoncent en France ou en Italie sont à craindre. La question des possibles ou impossibles  multiplicités des identités, la question du comment vivre et agir ensemble dans le respect de la diversité, les questions de culture, d’identité, mais aussi de renforcement des liens avec le Maroc, sont devenues primordiales notamment pour les jeunes  MRE qui constituent plus de 20% de la population et qui sont souvent en perte de repère.

Pour renforcer l’identité positive, et sous l’égide du Roi Mohammed VI qui a développé une sollicitude particulière  auprès de la communauté des MRE, le gouvernement s’est fortement impliqué dans une politique de préservation des liens avec sa diaspora :

  • soutien scolaire des élèves MRE dans les pays d’accueil,
  • travail de mobilisation des associations qui servent de relais avec la communauté marocaine à l’étranger,
  • signature de différentes conventions de soutien et de partenariat avec des associations pour la mise en œuvre de projets éducatifs et sociaux
  • organisation de forum des jeunes pour approfondir leurs connaissances sur le Maroc et renforcer les liens avec son pays d’origine,
  • organisation chaque année d’une Journée le 10 Aout des MRE.
  • organisation des Universités d’été en partenariat avec les universités marocaines,
  • amélioration des programmes des centres culturels marocains à l’étranger «Dar Al Maghrib».

On rappellera dans cet ordre qu’une véritable politique d’accueil de nos compatriotes a été instaurée, des conditions renforcées régulièrement qui répondent à une mobilisation générale sous l’égide de la Fondation Mohammed V de solidarité, de la Fondation Hassan II, de la Fondation Mohammed VI, des services de la Gendarmerie Royale, de la DGSN et de la Douane. Il faudrait sans doute en faire plus, sensibiliser les relais dans les ambassades et consulats,  aux questions qui touchent les immigrés qui doivent être traités avec dignité ; renforcer la culture de la diversité et du respect des autres, renforcer cette identité positive permet en outre, une meilleure connaissance de ses propres racines. Cette démarche multidimensionnelle constitue un puissant antidote contre toute forme d’extrémismes ou de dérives notamment pour les jeunes  qui vivent un angle mort de la mondialisation avec angoisse et inquiétude. Avec cette exigence de fond : une vigilance accrue du gouvernement pour préserver et protéger cette communauté qui par ses transferts de fonds et de compétences a toujours répondu présent à l’Appel du pays d’origine.

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