Parution essai : Mariages précoces. De l’antiquité à nos jours de Chakib Guessous

Voilà un ouvrage qui aborde un sujet malheureusement toujours d’actualité, dans notre pays comme dans d’autres. Avec son regard de socio-anthropologue, Chakib Guessous, nous livre ici une analyse, détaillée et pédagogique, de cette pratique des unions précoces, de son évolution à travers les époques et de ses conséquences de nos jours, principalement au Maroc. Un livre indispensable pour comprendre et combattre ce phénomène.

À propos du livre

Malgré un âge de mariage des femmes de plus en plus élevé, le mariage précoce est une réalité malheureusement encore très fréquente. Au Maroc, des dizaines de milliers de fillettes continuent d’être mariées tous les ans. De par le monde, près d’une fillette sur quatre devient épouse alors qu’elle est encore enfant.

Anthropologiquement parlant, les unions précoces nous rappellent que jusqu’au XXe siècle, le mariage a toujours été une alliance entre deux groupes humains, entre deux communautés, deux familles. Le livre analyse très finement l’évolution du mariage à travers les civilisations, de Sumer et Babylone à la Grèce et à la Rome antique puis surtout dans les trois grands monothéismes : le judaïsme, le christianisme et l’islam.

Des enquêtes anthropologiques inédites réalisées par l’auteur révèlent les réalités des populations où sévit le mariage des fillettes. Les enjeux au début du XXIe siècle sont analysés pour comprendre ce type d’union, par essence traditionnelle, mais aujourd’hui inacceptable.

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Extrait de l’introduction

«…Mariage d’enfant, mariage de mineur et mariage précoce définissent des réalités proches et qui se superposent souvent. Le mariage d’enfant ou de mineur est celui dont au moins un des conjoints a moins de 18 ans. Le mariage précoce est l’union contractée avant l’âge matrimonial et qui concerne assez souvent un enfant. La précocité n’est pas considérée ici par rapport à la fin de l’enfance. Elle n’est pas non plus considérée par rapport à la puberté, autrement dit à la capacité de procréation, mais par rapport à un âge légal. Pour notre part, la précocité devrait être considérée par rapport à la fin de l’enfance, l’âge de 18 ans. Ainsi, dans le présent ouvrage, il sera indifféremment utilisé les termes de ‘’mariage d’enfant’’, ‘’mariage de mineur’’ ou ‘’mariage précoce’’ pour signifier la même réalité d’enfants mariés avant l’âge de 18 ans. […]

Plus d’une décennie après l’entrée en application des codes ramenant l’âge du mariage à 18 ans, la société civile soulève le problème et s’indigne du nombre élevé de mariages d’enfants. Les associations féminines font remarquer, à juste titre, que ce sont majoritairement les filles, et plus rarement les garçons, qui sont intéressées par ces mariages avant l’âge légal. Les associations des droits de l’homme et surtout les associations de protection de l’enfance les considèrent, à l’instar des Nations unies, comme des violations des droits de l’homme et comme des atteintes aux droits des enfants, les assimilant à des violences qui leur seraient faites, selon la définition de la violence adoptée par l’OMS. Elles argumentent en citant les conséquences dévastatrices de la grossesse précoce sur la santé d’une fille non encore physiquement mature, ni psychologiquement et émotionnellement préparée à donner la vie. De même qu’elles citent les privations subies, notamment celle d’une scolarité complète. Pour de nombreux militants des droits de l’homme, et du fait que ces unions soient permises par le juge et la loi du pays, le mariage de mineurs, en raison de ses conséquences, serait une violence sexuelle institutionnelle sur enfant. […]

En 2014, l’Unicef estimait que, à travers le monde, plus de sept cents millions de femmes et plus de cent cinquante millions d’hommes ont été mariés avant l’âge de 18 ans. Les filles qui ont été mariées avant 15 ans sont estimées à près de deux cent cinquante millions. Les deux tiers (67%) des femmes mariées alors qu’elles étaient mineures vivent en Asie, 15 % d’entre elles, environ, vivent en Afrique et 9% en Amérique latine et aux Caraïbes. L’Inde, à elle seule, en contient le tiers. Là encore, en ce qui concerne la prévalence, l’Afrique vient en tête. Les pays où le phénomène sévit le plus sont ceux déjà cités par le PNUD, avec des proportions très légèrement différentes. Les pays à forte prévalence de mariage des mineurs sont également ceux qui ont une forte prévalence de mariage des moins de 15 ans : 15% au Mali, 25% en République centrafricaine, 28% en Inde, 30% au Niger et au Tchad et près de 40% au Bangladesh. Dans certains pays, les fillettes mariées peuvent être très jeunes. À Old Delhi, l’OMS a rapporté, en 2007, le cas d’une fillette mariée à 10 ans, mère à 11 ans, grand-mère à 24 ans et arrière-grand-mère à 38 ans! Pourtant, nombre de ces pays ont ratifié des conventions internationales qui recommandent de ne pas marier les enfants avant leur majorité. Les Nations unies, ainsi que d’autres instances internationales, sont persuadées que la persistance des mariages précoces n’a pas permis à certains pays d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud de réaliser les Objectifs du millénaire pour le développement prévus pour fin 2015. Même si le phénomène ne présente pas la même acuité dans toutes les contrées du globe, il reste préoccupant au XXIe siècle, en raison, notamment, de ses conséquences sur la santé et sur la vie sociale future de millions de jeunes filles.

En ce début de millénaire, la problématique du mariage des enfants mérite d’être étudiée et mieux comprise. Elle reste une préoccupation planétaire même si, dans certains pays, les taux sont faibles, comme aux États-Unis, par exemple, où, en 2016, 0,5% des filles s’est marié avant l’âge de 18 ans. Dans le présent ouvrage, le phénomène sera étudié en prenant pour modèle d’analyse le cas du Maroc où, en 2003-2004, 3% des femmes s’étaient mariées avant l’âge de 15 ans et 16% avant celui de 18 ans. Mais pour la compréhension du phénomène, il sera fait appel aux cas de très nombreux pays ou sociétés. En particulier, il sera fait appel aux civilisations méditerranéennes et aux religions monothéistes, compte tenu de leur forte influence et de leur empreinte sur la société marocaine. »

Vous trouverez, en accompagnement de ce communiqué de presse, la table des matières détaillée de l’ouvrage.

À propos de l’auteur

Chakib Guessous est socio-anthropologue et médecin radiologue. Il travaille depuis longtemps sur l’évolution de la société traditionnelle marocaine et notamment sur la défense des droits de l’enfant, sa scolarité et l’alphabétisation ; la jeunesse et le célibat ; la pauvreté et l’exclusion. La poursuite de son travail d’exploration des structures familiales et de celles du couple dans le monde méditerranéen traditionnel nous offre aujourd’hui ce très pertinent ouvrage qui nous permet de comprendre l’une des plus terribles violences faites aux enfants.

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